Le naginata, également transcrit sous la forme de « najinata », est une arme fascinante et profondément ancrée dans l’histoire du Japon. Elle illustre à la fois les valeurs martiales et culturelles qui définissent le pays. Cet outil de guerre, autrefois essentiel pour les samouraïs et les moines guerriers, a évolué au fil des siècles, se transformant en un art martial raffiné, apprécié aujourd’hui pour sa beauté et sa discipline. Dans ce texte, nous explorerons les origines du naginata, sa symbolique historique et culturelle, son lien particulier avec le katana, et la façon dont il s’inscrit dans la pratique des arts martiaux modernes.

Origines et contexte historique

Le naginata apparaît dans les premiers récits du Japon médiéval, au cœur des luttes claniques de l’époque féodale, un contexte où le besoin de stratégies de combat sophistiquées était crucial. Sa conception, une longue hampe en bois surmontée d’une lame incurvée, conférait un net avantage sur le champ de bataille, en permettant aux guerriers de frapper des ennemis à distance ou à cheval. Comparé au katana, l’arme de choix du samouraï, le naginata offrait une portée étendue, idéal pour des assauts multiples ou pour repousser des adversaires en nombre. Cette configuration de lame et de manche répondait aux exigences de souplesse et d’agilité des arts martiaux japonais, offrant une alternative au katana par sa polyvalence.

Les premières mentions écrites du naginata datent des périodes Heian (794-1185) et Kamakura (1185-1333), périodes marquées par des guerres de clans, où les samouraïs cherchaient des moyens de combiner défense et attaque. Ce n’est pas seulement aux samouraïs que l’on doit la popularisation de cette arme. Les sohei, moines guerriers, se sont également approprié le naginata pour protéger leurs temples et valeurs religieuses, en faisant une arme défensive emblématique. Avec l’arrivée des armes à feu au XVIe siècle, le naginata, de même que le katana et d’autres armes de mêlée, perdit de son usage sur le champ de bataille. Cependant, il n’en disparut pas complètement, s’inscrivant alors dans la société japonaise avec une dimension nouvelle.

Le naginata et les femmes des samouraïs

Avec la période Edo (1603-1868), le naginata changea de rôle et devint une arme de défense domestique, notamment pour les femmes des familles de samouraïs. À cette époque, le bushido, le code d’honneur des guerriers, exigeait non seulement des compétences martiales des hommes, mais aussi une aptitude à protéger l’honneur familial des femmes. En l’absence de leur mari, souvent mobilisé dans de longues campagnes militaires, les femmes de samouraïs apprenaient à manier le naginata pour défendre leur foyer. Ce lien particulier entre le naginata et les femmes guerrières a contribué à l’émergence de la figure de l’onna-bugeisha, la femme samouraï. La maîtrise de cette arme par ces femmes incarnait alors l’idéal féminin de loyauté, de courage et de vertu.

L’apprentissage du naginata dans les écoles réservées aux femmes de samouraïs servait à perpétuer des valeurs telles que la loyauté et la discipline. Bien que toutes les femmes ne pratiquaient pas l’art du combat, celles qui le faisaient étaient vues comme des figures de puissance et de dignité. En intégrant cette formation dans les traditions familiales, les classes nobles assuraient la transmission de compétences essentielles pour la défense, tout en maintenant vivante la discipline martiale.

Du champ de bataille au dojo moderne

Si le katana est resté une icône de la culture samouraï, le naginata a trouvé un nouveau souffle dans l’ère moderne en devenant un art martial à part entière : le naginata-do. Après la Seconde Guerre mondiale, le naginata a été formalisé et intégré dans les dojos, au même titre que d’autres arts martiaux japonais comme le kendo ou le judo. Cette pratique moderne repose sur des techniques traditionnelles, incluant les kihon (techniques de base) et les kata (enchaînements codifiés), qui permettent aux pratiquants de développer la précision et la maîtrise de la lame. Ce processus d’apprentissage incarne les valeurs du respect, de la discipline et du contrôle de soi, valeurs essentielles des arts martiaux.

Afin de garantir la sécurité des pratiquants, les dojos modernes ont adapté les équipements : le naginata utilisé à l’entraînement est généralement en bois ou en bambou avec des embouts en mousse pour atténuer les impacts. Les compétitions de naginata, bien encadrées par des règles strictes, mettent l’accent sur la maîtrise technique, la vitesse et la capacité d’anticipation. Ces rencontres amicales et compétitives permettent de maintenir un lien fort avec la discipline, en cultivant la souplesse et la précision, qualités physiques essentielles dans la pratique de cet art.

Les valeurs philosophiques du naginata-do

Le naginata-do ne se contente pas d’être un art martial technique ; il offre également un parcours philosophique. Inspiré des principes du bushido, le naginata-do encourage les pratiquants à développer des vertus telles que le respect, l’humilité et la recherche d’une harmonie intérieure. Dans cette discipline, l’évolution spirituelle est aussi importante que la progression technique, symbolisée par les ceintures de couleur qui marquent le niveau de compétence et de maturité du pratiquant. Atteindre les grades avancés, ou dan, exige de combiner une maîtrise technique avec une stabilité émotionnelle et mentale.

Au-delà du perfectionnement des techniques de combat, le naginata-do pousse ses adeptes, les naginataka, à s’approprier ces valeurs dans leur quotidien. Les pratiquants apprennent ainsi à se dépasser, à faire preuve de patience et de persévérance. Ces qualités sont particulièrement importantes, car elles servent non seulement sur le tatami, mais aussi dans la vie de tous les jours, en aidant chacun à affronter les défis avec calme et détermination.

Le naginata, un art martial au rayonnement international

Si la pratique du naginata offre de nombreux bénéfices physiques – amélioration de la coordination, équilibre, souplesse, et renforcement musculaire – elle a également un impact significatif sur la concentration et la gestion du stress. Ces atouts ont permis au naginata de s’étendre bien au-delà du Japon. Aujourd’hui, cet art martial est pratiqué aux États-Unis, en Europe, en Australie et ailleurs. Des fédérations internationales organisent des compétitions et des échanges culturels pour promouvoir le naginata et les valeurs qui lui sont associées. Ce partage international permet aux pratiquants de diverses origines de s’immerger dans la culture du naginata et de se perfectionner ensemble, enrichissant ainsi l’art à l’échelle mondiale.

Préserver l’héritage du naginata

Cependant, malgré son succès, le naginata fait face à certains défis. Dans un monde où les jeunes générations sont souvent attirées par des disciplines plus modernes, la transmission de l’essence traditionnelle du naginata est parfois difficile. Les maîtres naginataka s’efforcent donc de préserver les valeurs du naginata tout en adaptant leur enseignement aux réalités contemporaines.

Au Japon, certaines écoles secondaires et instituts culturels intègrent encore le naginata dans leurs programmes éducatifs. Cet engagement envers la préservation du naginata permet de maintenir un lien avec cet héritage unique et d’inculquer aux jeunes générations des valeurs de discipline et de respect.

Conclusion

Le naginata incarne bien plus qu’une arme historique : il symbolise la richesse de la culture japonaise et représente une discipline qui transmet des valeurs de courage, de respect et d’harmonie. Son évolution, de l’arme de guerre des samouraïs à un art martial moderne, témoigne de la capacité de la culture japonaise à faire perdurer ses traditions tout en s’adaptant aux changements. Aujourd’hui, hommes et femmes découvrent ses bienfaits physiques et spirituels dans les dojos du monde entier, assurant la pérennité de cet art. Face aux défis contemporains, la communauté naginataka s’engage à maintenir vivant cet art unique, rappelant que l’essence des arts martiaux repose dans la recherche d’un équilibre entre force, sagesse et humilité.