Dès l’âge du bronze, l’homme a façonné des épées dans le métal.

Avec la découverte du fer, les lames s’allongent et s’affinent tout en gagnant en solidité. L’épée qui fut longtemps l’arme de combat universelle a donné naissance, au fil des siècles, à une myriade de modèles et de variantes d’armes blanches.

On qualifie d’armes blanches, par opposition aux armes à feu, toutes les armes portatives à lame effilée ou tranchante telles que épées, glaives, baïonnettes, sabres, couteaux, lances et haches

Par analogie avec l’aspect du métal de la lame, les manuels de fabrication de la Manufacture du Klingenthal donnent une définition plus technique de l’arme noire et de l’arme blanche. Ainsi, pour les opérations chaudes de forge et de trempe, les pièces sont soumises aux contrôleurs d’armes noires, tandis que lors des opérations froides d’aiguisage, de polissage et de montage, elles sont vérifiées par les contrôleurs d’armes blanches.

Qu’est-ce qu’un glaive, une épée, un sabre ?

En France, en 1742, le dictionnaire militaire ignore autant le sabre que le glaive et nous donne pour l’épée la définition suivante:

  • L’épée est la première de toutes les armes, sans laquelle le Soldat ne doit jamais paraître en public, parce qu’elle lui sert non seulement de défense mais encore d’ornement. Il ne faut pas qu’elle soit trop longue, elle est trop embarrassante dans un Bataillon, il ne faut pas aussi qu’elle soit trop courte, mais d’une longueur médiocre, que la lame soit bonne et large d’un pouce ou environ.
  • La longueur la plus ordinaire des lames est de deux pieds et demi et deux pouces, et celle des poignées de trois pouces et demi. Toutes les lames se conservent dans des fourreaux. L’épée est une arme offensive pour les troupes. La mode des épées courtes étaient encore en France du temps de Saint Louis : elles avaient de la pointe, et étaient à deux tran-chants. Aujourd’hui elles ont de la pointe, et sont sans tranchant et plus longues.
  • L’épée des Cavaliers et Dragons est plus longue et plus large que celle des Soldats d’Infanterie. Par les Ordonnances du 9 Mars et 16 Mars 1676, la lame doit au moins être de la longueur de deux pieds neuf pouces, mesure du Roi, sans comprendre la garde et la poignée .
  • Cette épée, qui occupe une place pré pondérante, connaît une incessante évolution. A chaque réforme de l’armement, les règlements prescrivent des modèles de plus en plus spécifiques : on peut citer la réforme de 1765, celle de 1792, ensuite le systeme de l’an IX. L’évolution des armes blanches est principalement marquée par les modèles de l’an XI, de l’an XIII, de 1816 puis de 1822. Afin de créer des épées et des sabres spécifiques, les règlements intègrent davantage les critères d’efficacité, non sans oublier l’esthétique. Mais qu’est-ce qui définit une épée ou un sabre ? Les définitions suivan-tes, tirées de l’Encyclopédie méthodique de l’Artillerie de 1822, semblent relativement précises:

L’épée:

Arme offensive, composée d’une lame en acier; longue et pointue, plate ou triangulaire; d’un fourreau ordinairement en cuir; d’une poignée, d’une garde et d’un pommeau sur lequel la soie est rivée. Elle est en usage chez presque tous les peuples de la terre; on la porte suspendue au côté gauche par le moyen d’un ceinturon ou d’un baudrier. Le mot épée est quelquefois employé d’une manière générique pour désigner les sabres, coutelas, espadons, etc.

Le sabre : «Arme offensive composée comme l’épée, d’une lame en acier, qui est courte ou longue, droite ou courbe, plate ou évidée, tranchante des deux côtés ou d’un seul, d’un fourreau en cuir ou en fer, d’une poignée, d’une garde et d’une calotte sur laquelle la soie est rivée. Presque toutes les troupes sont armées d’un sabre; l’infanterie le porte au moyen d’un baudrier; et la cavalerie avec un ceinturon. Il v a diverses espèces de sabres pour les troupes françaises.»

Les caractéristiques énoncées sont propres aux armes en usage, mais ne parviennent pas véritablement à distinguer l’épée du sabre, malgré l’énumération et la description des composants de chaque type d’arme.
Sabre : le mot sabre vient du hongrois szablva. Cette arme de cavalier d’Europe centrale, introduite par les Turcs, est originaire de l’Orient. Le sabre est une arme blanche à lame longue plus ou moins courbe ayant un seul tranchant. La poignée galbée se termine par une calotte et la monture munie d’une ou plusieurs branches de garde possède généralement un plateau de garde prolongé par un quillon.

Les définitions suivantes s’appliquent à des modèles génériques. L’étymologie peut nous éclairer sur l’origine d’un terme, mais face à l’évolution et à la grande variété des modèles, les définitions restent trop succinc. tes et imprécises pour faciliter une classification de ces armes.

Glaive : le mot glaive vient du latin gladius et désigne une épée courte à deux tranchants qui armait les fantassins romains.

Avec la réapparition du glaive au XVII siècle, le traditionnel pommeau de la poignée est souvent remplacé par une tête d’aigle, de chien ou de lion.

La différence entre l’épée et le sabre semble évidente et pourtant. les variantes de forme de lame ou de garde et les différences d’affectation et d’usage sont à l’origine d’une certaine ambiguïté. Il nous semble intéressant de faire la comparaison avec la terminologie utilisée outre-Rhin.

Schwert est la désignation la plus ancienne pour le glaive ou l’épée. La lame est plutôt plate, large et épaisse. La poignée comporte un pommeau.

Le mot Degen désigne également l’épée, en se référant à une lame fine à deux tranchants ou à section triangulaire destinée à l’estoc. Hofdegen désigne l’épée de cour et Galadegen l’épée de ville.

La forte-épée est, elle-aussi, caractérisée par son usage : les germains l’appellent Haudegen. Il s’agit d’une catégorie d’épées destinées à la taille, avec une poignée à pommeau mais une monture de type “sabre” à plateau de garde et quillon, munie d’une ou plusieurs branches de garde. On se rapproche du sabre…

Le glaive est appelé Faschinenmesser; pour les armes dont la lame est plus forte vers l’extrémité qu’au talon. On utilise aussi la désignation Kurzschwert pour les lames de type épée à deux tranchants mais assez courtes. Le sabre est appelé Säbel et désigne tout d’abord une arme de taille. Effectivement, dans les deux langues le terme se décline dans l’utilisation qui est faite de cette arme : säbeln veut dire sabrer et niedersäbeln, rabattre par le sabre. Säbel se rapporte exclusivement aux lames courbes, alors que de nombreux modèles français de fortes-épées ont été dénommés sabres. Le sabre français peut avoir une lame droite, à dos et tranchant, son homologue germanique est alors désigné Pallasch. Ce terme est attribué plus particulièrement aux “lattes” de grosse cavalerie.

En terme de classification, la catégorie

Hiebwaffen inclue les sabres, Hieb se rapporte en effet au coup porté par le tranchant en opposition à Stich qui est le coup de pointe plutôt propre aux épées : Stichwaffen.

L’expression “Hieb und stichfest” est tout à fait édifiante : cette tournure imagée qualifie d’invulnérable ce qui résiste autant à la taille qu’au coup de pointe ! On s’aperçoit à travers ces dénominations qui tiennent compte de l’usage, et grâce à la richesse du vocabulaire et aux mots composés, que les critères de classification germaniques sont plus spécifiques et plus précis.

A la fin du XVII° siècle, une première réglementation est appliquée aux armes blanches. Au minisère de la Guerre, François Michel Le Tellier, Marquis de Louvois, dans sa réforme de l’Armée signée le 22 février 1679, impose l’arme blanche règlementaire. C’est la naissance de l’épée modèle 1679. Mais le texte de la réforme précise:

«…. La Cavalerie sera dorénavant armée de sabres au lieu des épées que les cavaliers ont eues…»

Ces sabres sont en réalité les fortes-épées dans le langage de l’époque, des épées “fortes” permettant non seulement l’escrime d’estoc, mais également celle de taille. Plus tard. avec la création de la Manufacture

Royale d’Alsace, en 1730, et malgré une nouvelle réglementation, l’ambiguïté entre l’épée et le sabre subsiste et la dénomination n’est pas clairement établie. Les premières lames fabriquées par la Manufacture sont des lames droites, à double tranchant et méplat central. Pour leur livraison à Paris, la lettre du 27 novembre 1730 de Louis Gayot, Conseiller du Roi, adressée au secrétaire d’Etat à la Guerre, précise :

« .. Ces échantillons au nombre de neuf lames d’épées ou sabres…»

D’où vient cette hésitation ? Plusieurs explications sont possibles : la volonté de fabriquer une arme vraiment différente, d’inspiration germanique, à une époque où apparaissent les premières lames à dos ?

Le contexte dans lequel ces armes ont été créées quand de l’autre côté du Rhin, le sabre est déjà en usage dans la cavalerie ?

Certains modèles ont toujours été en marge de la dénomination générique. Ainsi, longtemps après l’apparition des premiers sabres, à la fin du XIX° siècle, le sabre règlementaire modèle 1882 pour les officiers d’infanterie possède une lame droite à deux tranchants…